L'archevêque Odiron se tient devant vous. Vous avez réussi l'examen militaire. Il faut maintenant prêter serment avant de plonger dans une aventure épique qui vous transportera loin de tout ce que vous avez connu auparavant.
Rare Tactical RPG à voir le jour sur Nintendo 64, Ogre Battle 64 : Person of Lordly Caliber poursuit la série éponyme commencée sur Super Nes avec Ogre Battle : The March of the Black Queen. Développé par Quest et Nintendo, édité par Atlus, il sort en 1999 au Japon, en 2000 aux Etats-Unis, et il faut donc bel et bien patienter une décennie avant de le voir débarquer sous nos latitudes grâce à la console virtuelle. Il mérite qu'on s'attarde sur ce jeu aux possibilités si nombreuses et au gameplay tellement particulier.
Le scénario nous plonge dans la peau d'un jeune soldat du Palatinus, Magnus Gallant, dans le continent de Zetegina. Ami du prince Yumil, il décide de quitter le palais royal lorsque son père Ankiseth est accusé d'avoir tué un noble, et s'enrôle dans le régiment du Sud, isolé de tous les problèmes de pouvoir. Toutefois, une rébellion éclate dans cette région, car le pays de Palatinus, qui est contrôlé par le Saint Empire de Lodis, a dû mettre en place des mesures répressives drastiques sur les classes moyennes et populaires afin de conserver leur autonomie. Le peuple prend les armes, et décide de se dresser contre la noblesse. Vous êtes donc chargé dans un premier temps de mater les révoltes et les insurrections de l'armée révolutionnaire mais Magnus décide rapidement de rejoindre ses rangs, voyant le traitement injuste infligé au peuple par les soldats. Cette guerre civile débouchera vite sur un conflit encore plus obscur et plus complexe. La géopolitique du continent Zetegina est en effet très poussée, avec plusieurs factions en présence, Palatinus, Lodis, mais on constate aussi la présence des Zenobiens au sud, héros charismatiques des précédents opus de la saga (Destin Faroda pour les connaisseurs), l'Eglise orthodoxe à l'Est, mais également les Nirdams, mineurs noirs réduits en esclavage par l'empire de Lodis, dont il faudra choisir le sort, les libérer pour les aider ou pour s'en servir dans la bataille.
Le champ de bataille, il faut parfois diviser ses troupes
Qui dit bataille, dit armée. Et oui, vous possédez une véritable armée. De petits soldats inexpérimentés aux plus terrifiants des dragons, vous êtes libre de composer votre propre bataillon. Outre les 200 soldats disponibles, qui combattent par groupe de 3 et qui n'attendent que d'êtres promus, c'est une centaine de vraies unités qui est disponible. On retrouve les classes qui reviennent dans tous les jeux d'heroïc-fantasy, chevaliers, mages, archers mais bien d'autres encore comme des dresseurs qui améliorent les capacités de tous les monstres que vous pouvez également intégrer à votre troupe de joyeux lurons. Entre les phases de combat il est possible d'agencer à sa guise la formation de ses soldats qui sont regroupés en unités. Une unité est un contingent de 5 combattants disposés sur un carré de 3x3 cases. Il convient d'étudier tous ses hommes afin de choisir les meilleures places pour ses personnages. Un archer sera plus efficace placé à l'arrière tandis qu'un chevalier ou un berserker fera des ravages placé en première ligne. Si on aime passer son temps dans les menus pour équiper ses personnages afin de les optimiser, ce jeu est idéal.
Briefing d'avant chaque mission
Qui dit armée, dit bataille. Ce RPG tactique ne fonctionne pas tout à fait comme les classiques du genre, les FFT ou les Fire Emblem. Le champ de bataille est une carte sur laquelle vos unités se déplacent en temps réel. Vous commencez avec un QG à défendre et l'objectif est souvent de prendre le QG ennemi. Si par mégarde le vôtre n'est pas gardé et qu'un adversaire marche dessus, vous perdez la mission. Sur la carte vous rencontrez les unités ennemies qui se déplacent comme vous et lors d'un face-à-face le combat est automatique. Vous ne pouvez pas contrôler directement les actions de vos troupes, mais vous définissez une tactique globale à l'unité (attaque du leader, du plus faible, du plus fort). A vous de faire évoluer la stratégie en fonction des conditions. L'aspect stratégique est primordial car il faudra être vigilant et ne pas se faire attaquer par derrière sinon la formation est inversée et vos unités de soutien se retrouvent en première ligne. De même, la fatigue est un élément déterminant et il arrive que parfois votre unité installe une tente pour se reposer alors même que l'ennemi est en train de charger, ce qui lui vaut un gros malus de statistiques. La carte est également parsemée de places fortes, petits villages qui contiennent parfois des boutiques pour faire le plein d'équipement ou une sorcière pouvant ramener à la vie vos guerriers tombés, car s'ils restent inanimés à la fin d'une mission, ils ont des chances de se transformer en zombie de manière irréversible. Ces places fortes proposeront parfois des quêtes lorsqu'on y pénètre avec le bon personnage ou à la bonne date, car le jeu possède un calendrier interne et le temps défile pendant de temps-là sur le champ de bataille.
Le choix ou non de le combattre sera déterminant pour la suite
Sur le plan technique, Ogre Battle ne déçoit pas. Hormis la carte en 3D qui manque un peu de clarté, les animations et décors des phases 2D de combat et des cinématiques sont très fluides et très travaillés, surtout pour les magies. On prend plaisir à voir nos petits personnages développer des pouvoirs et des techniques de plus en plus impressionnants, et chaque classe possède un design très particulier qui rend chaque combattant très attachant. La musique est également un des gros points forts du jeu, les mélodies sont sublimes et contribuent à nous entraîner dans cet univers onirique où l'on choisit sa destinée.
Une magie d'eau parfaitement exécutée
En effet, dans ce jeu, tout est une question de choix. Chaque décision que vous prenez aura une incidence sur la suite des évènements et participera à déterminer quelle fin vous pourrez admirer parmi les 6 différentes, de la plus négative à la plus positive. Outre les choix scénaristiques qui surviennent pendant les cinématiques, le fil rouge de l'aventure constitue le choix à faire de libérer ou capturer les places fortes disséminées sur le champ de bataille. En effet, chaque place forte possède un alignement, chaotique, neutre ou loyal, et il en va de même pour vos soldats. Pour en libérer une, il faut y entrer avec un leader de même alignement et inversement pour la capture. L'alignement se modifie tout au long du jeu, si un personnage chaotique combat aux côtés de 4 soldats loyaux, son alignement montera et vice versa. De même, en combattant des créatures et des ennemis d'un certain alignement, le vôtre évoluera dans la direction opposée. Cela déterminera en grande partie votre popularité dans la révolution et vous donnera accès à différents personnages spéciaux de plus ou moins bonne réputation selon que vous soyez un libérateur ou un oppresseur. L'alignement déterminera aussi à quelles classes vos guerriers auront accès. Le Paladin et le Chevalier Noir s'obtiennent évidemment en ayant un alignement respectivement très loyal et très chaotique.
La sorcière peut ranimer les tombés au combat
En résumé Ogre Battle est un bijou, un très bon jeu qui vous tiendra en haleine de très longues heures, pour peu que vous soyez familier avec la langue de Shakespeare. Seule ombre au tableau, le jeu n'est pas traduit en français ce qui ne permet pas de profiter pleinement de la richesse si accrue des détails en matière scénaristique. Le jeu fourmille de dialogues et d'infos sur tous les protagonistes, et possède même une base de données interne qui se met à jour au fur et à mesure que l'histoire avance. C'est le seul véritable point faible, et il est de taille car il peut freiner l'immersion dans un univers pourtant si développé.